Mardi 24 juin 2 24 /06 /Juin 16:37

                    LE SAUNA 3

 

 

Comme moi, Chloé a besoin d’un bon moment pour récupérer. Je sais maintenant comment c’est de se sentir entièrement satisfaite sans éprouver la moindre culpabilité. Je me sens tout simplement super bien dans ma peau. Pour nous détendre Chloé me propose une séance de sauna. Ce dernier se trouve derrière la porte en verre. Je suis trop curieuse pour passer de l’autre côté du miroir.

 

La première l’impression c’est l’espace. Il y a de la place pour des nombreuses personnes. Comme il se doit, les murs de la pièce sont entièrement couverts de bois. Le sol est un carrelage en mosaïque représentant "Les repos des muses", tandis que le plafond, également en mosaïque, recrée "Le sommeil de l’artiste", autoportrait d’M où la tentation de la chair s’approche de lui dans son rêve sous forme de la jeune Chloé. J’aime beaucoup cette mosaïque que je ne connaissais qu’après des reproductions, sans me douter où elle se trouvait. Collection privée est une indication très vague. Une statue en marbre, grandeur nature, sculptée d’après la jeune Chloé également, tient place de la déesse Déméter qui déverse par sa corne d’abondance des vapeurs chaudes. Les brumes donnent un air féerique à la pièce. Une fois la porte fermée, je suis seule au monde avec Chloé. Nous nous allongeons face à face. Ce n’est pas un sauna comme on voit dans les catalogues ou magazines pour décoration de maison. Celui-ci est un œuvre d’art de toute beauté.

 

-Ce n’est pas mon mari qui a créé la statue, mais un des ses amis sculpteurs, m’explique Chloé.

 

Le nom du sculpteur H ne m’est pas étrange. Il est mort depuis longtemps. La fin de sa vie, s’est chevauchée avec les premières années du mariage de Chloé. Je connais bien l’œuvre de ce sculpteur pour savoir que je sois en face d’une statue non répertorié.

 

-Mis à part toi et moi, plus personne ne se doute de l’existence de cette Déméter. M et H ont emporté le secret dans leur tombe. Ils étaient très lies, malgré presqu’un demi siècle de différence d’âge. H. a effectué ce travail ici sur place un an avant sa mort. Ceci est son dernier ouvrage. Il m’adorait comme si j’étais sa propre petite fille.

 

Je suis excitée comme une gamine qui a trouvé un trésor caché.

 

-Comme tu constates, dit Chloé, le plaisir au milieu des œuvres d’art atteint une autre dimension. Je sais ce que tu ressens, je suis passée par là. M m’a offert ce sauna tel que tu le découvres. Ne touche surtout pas à la statue maintenant. Elle est brûlante quand elle est en fonction. L’art et le plaisir sont réunis à la merveille dans cette salle. Quand j’ai posé pour la sculpture, je n’avais pas la moindre idée à quoi elle devrait servir. J’étais jeune et imbue de ma beauté, flattée de poser pour H. et je me voyais déjà exposée dans une salle de musée.

 

Je ne me sentais plus. J’avais dépassé le simple cadre de la condition féminine en accèdent au rang d’une déesse, au dessus des nuages de la temporalité humaine, membre du panthéon ; idole éternelle devant laquelle les hommes s’inclinent pour rendre hommage à sa beauté ; désirée, adulée, glorifiée, déchaînant la passion. Pendant que M travaillait, je venais souvent ici, toute nue pour me blottir contre mon effigie, pour tromper mon mari avec mon autre moi.

J’ai aimé poser pour les artistes dès la première fois. Je n’oublierais jamais le temps du « Repos des muses » quand j’incarnais Terpsichore. Ce nom m’était complètement étranger jusqu’à ce jour-là. Je ne connaissais pas non plus le nom des autres muses. Je t’avoue que pendant ma jeunesse je ne me suis pas donnée la peine de me cultiver. J’ai commencé la danse à l’âge de cinq, encouragée par une prof qui expliquait à ma mère que je possédais le corps et la musculature nécessaire pour aller loin dans ce métier. J’ai hérité l’ambition de ma mère qui se superposait au plaisir de m’exprimer avec mon corps. Mais cela n’est pas suffisant, à mon avis, pour faire carrière. Comme toi pour la lecture, j’ai eu un déclic qui caractérise la véritable vocation. J’ai découvert une certaine jouissance à travers de la souffrance que représentent les interminables heures d’entraînement. Plus que je travaillais dur, plus j’accédais à des états d’euphorie que je ne voulais manquer pour rien au monde.

 

-C’est un phénomène bien explicable. Il s’agit des endorphines que le corps libère pendant des efforts intenses. Tous les sportifs de haut niveau connaissent cette drogue naturelle dont ils s’en servent pour se dépasser.

 

-Pour le » Repos des muses » nous étions neuf filles, une plus belle que l’autre. On ne se connaissait pas et le fait d’avoir toutes acceptées de poser nous liait.

Les conditions étaient établies d’avance. M ne laissait rien au hasard. Pour nous mettre à l’aise, il nous exposait son idée de tableau, puis attribuait à chacune de nous une muse et définissait les poses à tenir. Cet homme, calme, patient et réfléchi, prenait le temps qu’on avait besoin pour nous familiariser avec nos personnages. Il nous racontait les histoires de la mythologie grecque, des anecdotes sur les muses, nous faisait rêver et rigoler.

 

M avait sa vision de son futur tableau et avait passé des semaines à la recherche de ses muses. Enfin il avait réussi à nous réunir. Dans son atelier il avait monté un décor d’un réalisme frappant.

 

Plus tard j’ai appris qu’il ne travaillait pas toujours ainsi. Le plus souvent il se servait d’un simple fond blanc uni, devant lequel il disposait des cubes en bois et des tabourets pour faciliter des positions difficiles.

 

Il montrait à chacune de nous sa place et demandait de prendre des poses. Nous étions un peu tendues au début et nous manquions du naturel et de conviction, comme il disait.

Pour les détails et finitions on posait seul. Quand ce fut mon tour, je me trouvais toute nue devant M Une multitude d’idées ont défilées ce jour-là dans ma tête. D’abord bien sur la question si et comment M me percevait comme être humain, comme femme. Voyait-il en moi un simple modèle ? Éprouvait-il de l’attirance pour mon corps ? Fus-je sa muse favorite car j’incorporais la peinture ? Avait-il une préférence, une relation avec une des autres filles ?

Je n’ai pas eu la moindre réponse. M ne parlait pas en peinant et je n’osais pas lui parler par peur de le déranger. Ses yeux vides fixaient quelque chose qui était moi sans être moi. Son visage restait concentré, décontracté et heureux à même temps. Ce mélange m’a beaucoup séduite.

 

Avant et après les séances il appliquait une politesse irréprochable. Il ne faisait pas la moindre allusion mal placée. Il m’encourageait pour les autres séances, me donnait des conseils et me faisait comprendre en douceur mes erreurs. Auprès de lui j’ai appris ce métier difficile. M, le peintre, différait de l’homme charmeur et plaisantant qui m’avait abordée après ma danse. Dans le travail il était sérieux. Mais dès qu’il quittait son atelier, il devenait un autre. J’étais loin en ce moment là de m’en douter qu’il souffrait, comme beaucoup d’autres artistes, d’une sorte de psychose maniaco-dépressive, parfaitement maîtrisée, productive et mise en service pour l’art. J’ai mis longtemps pour comprendre ce comportement étrange qui peut amener un être humain à se dépasser hors de ses limites dans certaines domaines et le de limiter dans des actes quotidiennes à un point difficilement imaginable. Hors de son travail, M ne s’occupait de rien. Il mangeait dans des petits restaurants du coin, employait une femme de ménage pour son appartement et recourut aux stylistes pour s’habiller ou pour décorer son lieu de vie. Son goût tardif pour la déco est, sans me vanter, dû à mon influence et son perpétuel envie de me faire plaisir.

 

Bref, le fait de poser me comblait. Mon ego était autant flatté comme quand je dansais sur scène. Mais ici, il y avait un petit surplus qui fit toute la différence : J’étais nue. Je me suis vite rendue du compte que j’adorais me montrer nue. J’éprouvais une excitation sexuelle intense. De l’autre côté j’étais frustrée que M semblait ignorer mon corps et ne vit que son modèle en moi. Parfois je lui en voulais violemment. En lui j’ai rencontré le premier homme dans ma vie de jeune fille qui n’essayait pas de s’approprier ma beauté. Il l’a considérait comme une donnée, une aubaine du destin. Pourquoi il ne faisait pas appel à la femme en moi comme les autres hommes ?

 

Pourtant, notre premier contact s’était si bien passé que je me voyais déjà à ses côtés. Un jour, je me suis aperçue que j’étais amoureuse de lui et que je ne craignais rien de plus que l’arrêt des séances. Heureusement je suis arrivée à mes fins.

 

Chloé se perd pour un bref instant dans ses souvenirs, puis revient aussitôt.

 

-Ici dans mon sauna j’affronte le seul endroit de ma vie où je suis confrontée à mon passé. Parfois ce n’est pas facile. Crois moi Bella, je me suis battue avec les années que le temps me vole inlassablement et je me bat encore tout les jours pour préserver un maximum mon physique de jeunesse. Mais ce travail qui semble pour beaucoup de gens comme une pure futilité n’est pas dépourvu de sens pour moi. Aujourd’hui j’ai encore autant de succès avec les hommes que dans ma jeunesse si ce n’est pas plus. Je n’ai plus jamais fait grand chose d’utile dans ma vie depuis mon accident, mis à part de m’occuper de ma beauté, de m’amuser et de claquer mon argent dans des freines et bijoux. Parfois je réalise que je me prenne pour un œuvre d’art vivant. Un personnage de tableau qui s’est échappée d’un musée ou d’une collection privée pour retrouver enfin sa liberté de mouvement. Maintenant je paye le prix fort de ce caprice : le vieillissement guette ceux qui refusent l’immortalité. Cependant pour rien au monde je regrette ma décision pour la vie. Un œuvre d’art procure du plaisir, mais il reste un objet qui - lui-même - n’éprouve rien. Moi, j’aime les sensations de tout genre et mon seul regret concerne celles que je n’ai pas encore découvertes.

 

Pourquoi cette chance inouï d’une vie de rêve ? Que trouve-t-on si extraordinaire en moi, Chloé, pour me consacrer autant d’attention ?

 

Entre toi et moi Bella, il y a un lien de parenté. Tu es mon double, mon âme sœur, une variation de ma vie que je n’ai pas voulue vivre. Une jeune femme, aussi belle que toi Bella, qui passe un mercredi après-midi dans un musée d’art moderne, toute seule, se démarque. On s’intéresse de suite à elle. Dès que je t’ai vue, tu as attiré toute ma curiosité. La différence entre toi et moi est simple. Ma beauté était remarquée parce que j’étais au bon moment au bon endroit. Fut-ce vraiment un hasard ou fut-ce un phénomène de contingent ? J’ai tout fait pendant ma jeunesse pour me faire remarquer par ma beauté et la grâce de mon corps. Toi par contre, tu as choisie un chemin qui m’est complètement inconnu. Tu as préféré l’anonymat. Tu te caches dans une minuscule ville thermale derrière tes livres et il est quasiment impossible de te rencontrer, sauf par le plus grands des hasards. Pourquoi ne te sers-tu pas de ce que la nature t’a attribué ? 

 

- Simplement parce que nous n’avions pas les mêmes données au départ. Je ne me suis pas cachée quand j’étais gamine et adolescente. On a empêché que les autres me voient. On m’a privé de la découverte, de la beauté et du plaisir. Plus tard, quand je faisais mes études en ville, j’ai dû travailler dur pour les financer. Il ne me restait pas beaucoup de temps pour mes loisirs. Et en ce qui concerne mon manque de connaissance sur les hommes, la réponse est simple : Comment faire confiance à quelqu’un quand tu n’arrives même pas à faire confiance en ta propre famille ? Ils ne m’ont jamais lâché la grappe, toujours les mêmes mesquineries, toujours près du moindre sou à récolter ; de la part de mon père pour amasser, de la part de ma mère pour gaspiller. Quel couple formidable ! Déjà tout faux au départ. Mais comble d’erreur, par vengeance inconsciente à cause d’une vie de couple ratée, ils sont voulus se rattraper sur leurs enfants : autant matériellement que sentimentalement. Ce ne sont pas uniquement des avares de portefeuille, ce sont des avares de l’âme. Dans une ambiance pareille une enfance et même une vie d’adulte est tristement pauvre, dépouillée dès le départ d’aspirer à un bonheur quelconque. Ils ont poussés le vice à m’écarter du plaisir physique, en me laissant dans une ignorance complète. Dans mon adolescence, ma mère s’est chargée de supprimer les moindres pulsions sexuelles par des punitions corporelles ou humiliantes.

 

-Tu es ici pour mettre fin à ta souffrance, Bella. Regarde les muses. Fait comme elles. Repose-toi. Laisse l’air chaude pénétrer ta peau. Ouvre les pores de ton âme. C’est par la sueur que le corps combat le mieux les impuretés. Pour l’âme c’est un peu pareil. Il faut des sentiments chauds, humides et charnels pour combattre le mal. Mais n’essaye pas en même temps de vouloir nettoyer les âmes de ceux qui t’ont causé ce mal. Tu n’y es pour rien. Essaye de ne penser qu’à toi, à tes propres sentiments et désirs.

 

-Tu as raison Chloé. Si je suis ici c’est parce que je recherche plus que ton amitié. Je suis trop tendue et maladroite pour l’instant. Vouloir sans pouvoir est frustrant. Aide moi une fois de plus.

 

-Ce ne sera plus nécessaire. Nous avons assez sues. Après une petite douche rafraîchissante, le reste ce fera tout seul, comme par magie.

 

Chloé a raison. Après la douche je suis entièrement détendue. Elle me sèche avec une serviette et me demande de m’asseoir en tailleur sur sa table de soins. Elle s’installe derrière moi, les jambes largement écartées, collant son corps contre le mien. Je sens dans mon coup sa respiration régulière qui m’apaise encore plus. Chloé commence par un massage du visage. Je ferme mes yeux. Elle pose ses pousses sur mes tempes et les autres doigts sur mon front. Par des mouvements rotatifs ses pousses tournent sur mes tempes en accroissant doucement la pression.

 

Puis, ses doigts me massent mon front pendant que ses petits doigts caressent mes sourcils. Parfois ses petits doigts se rencontrent entre mes deux sourcils. C’est extrêmement agréable. Lentement ses doigts descendent des deux côtés de mon nez. Ses pouces se déplacent pour s’occuper des contours de mes narines et de la partie au dessus de mes lèvres. Chloé n’oublie pas non plus mes joues, le menton, les oreilles et la naissance de mes cheveux dans ma nuque.

 

Je suis en train de fondre. Chloé réveille mes désirs avec une force inouïe. Elle serre ses seins contre mon dos et sur mes fesses s’imprègne son sexe qui n’est que douce chair.

 

Chloé est une maîtresse absolue dans l’art de la stimulation. Pour augmenter mes sensations elle attrape un flacon d’huile de massage. Des qu’elle enlève le bouchon, l’odeur se glisse à travers des mes narines pour exploser dans mon cerveau comme une pluie d’étincelles dont chacune, transportée par les voies de mes nerfs, se répand dans mon corps.

 

Ses mains étalent l’huile sur mon coup, mes seins, mon ventre, mes jambes, mon intimité. Chloé enduit ses seins d’huile pour me masser le dos. En face des excitations aussi fortes je fonds dans la chaleur du bonheur physique.

 

Pour faire durer le plaisir, elle s’acharne aussi sur mes pieds. Je ne savais même pas à quel point l’effet peut être excitant. Elle recommence à me mordiller les oreilles comme l’autre soir à Toulouse. Je ne peux plus me retenir. Je me retourne et nos langues se retrouvent. Chloé me pousse lentement sur le dos et s’allonge entièrement sur moi en frottant son corps contre le mien. Nos sexes se regagnent en jouant l’un avec l’autre. Plus rien ne m’empêche de vivre mes pulsions trop longtemps opprimées. Le bonheur est total.

Chapitre 8 : Discipline domestique ou l’art de recevoir et donner la fessée 1

 

Par isabelle183 - Publié dans : La fille aux cheveux noirs
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