Discipline Domestique Romantique

 


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CHAPITRE 2 (1)

Le lendemain et les jours suivants, la routine dans laquelle elle se réfugiait semblait lui échapper, et la force de travail qui constituait sa marque de fabrique s’émoussait petit à petit. Elle gardait l'esprit ailleurs. Vers cette jeune mariée, le traitement que son mari lui réservait et le plaisir qu'elle avait fini par y prendre. Si la qualité de son travail restait identique, son attitude se modifiait insensiblement : passive en réunion, moins à l'écoute des autres, il fallait lui répéter les questions plusieurs fois pour avoir une réponse. Elle, dont la capacité à « capter » instantanément les problèmes et leurs solutions faisait l'admiration de la plupart de ses collègues, entretenait la jalousie de certains et attirait les remarques acerbes de quelques autres : « celle là, sortie de son boulot, il n'y a plus personne ! »

Plusieurs d'entre eux étaient venus la voir l'air préoccupé. « Ça va ? Tu as des ennuis ? » Mais non, mais non, ça va très bien. Pourtant elle se rendait compte qu'elle était fatiguée de son rôle de modèle, de référence.

Elle s'était forgée une carapace pour se protéger... Pour se protéger de quoi, d'ailleurs... Pour se protéger d'elle-même, en réalité. De la faille que sa solitude avait ouverte. Elle allait sur ses trente cinq ans et avait peu d'amis, en tout cas personne d'assez proche devant qui elle pouvait relâcher la garde.

Elle avait connu assez peu d'hommes et chacune de ses histoires sentimentales avait tourné court. Par sa faute, bien sûr. Aucun de ses partenaires ne lui avait apporté ce qu'elle recherchait. Mais elle n'avait jamais pu définir elle-même ce qu'elle recherchait exactement. Elle n'avait jamais pu exprimer clairement ce qu'elle attendait d'eux. Ils finissaient par se lasser, elle finissait par se décourager.

Sa préoccupation du moment n'était plus son travail mais le type de relations que lui avait révélé le livre. Enfin... révélé n'était pas forcément le bon terme. Elle savait bien entendu que le masochisme existait. Elle n'était pas totalement idiote quand même ! Mais pour elle, il s'agissait de pervers qui avaient besoin de soins psychologiques. Elle commençait pourtant à se demander si sa vision n'était pas, ici encore, trop rigide. Elle avait profité des pauses de midi pour surfer discrètement sur l'internet et essayer de se documenter. Elle s'était aperçue que ce qu'elle considérait comme du « masochisme » ou du « sadisme » était plus complexe que ce qu'elle pensait, que la pratique qui l'intriguait était finalement plus répandue que ce qu'elle croyait. Il existait sur le sujet de très nombreux sites, certains très vulgaires, d'autres très « techniques », façon Théorie Générale de la Fessée. D'autres enfin étaient assez sophistiqués et lui avaient fait apparaître un élément qu'elle n'avait pas saisi de prime abord : le respect mutuel des protagonistes. Elle découvrait dans le même temps que les participants aux forums spécialisés n'était pas forcément tous de gros bœufs ou de totales décervelées...

Elle était même allée dans une grande librairie du centre-ville, avait trouvé un rayon de littérature érotique et avait acheté, un peu au hasard, quelques romans dont le thème était la fessée. Le passage en caisse, le petit sourire discret de l'employée et l'étalage aux yeux des autres clients de livres aux titres explicites avaient été pour elle un moment de honte. Sentiment qu'elle se surprit à trouver tout à fait délicieux.

Au fur et à mesure de la découverte de cette pratique elle sentait monter en elle une certaine excitation. A son grand étonnement, elle avait pensé plusieurs fois à son chef et à la sanction qu'il envisageait de donner à sa secrétaire. Ce pourrait-il que ce ne soit pas seulement une boutade ?

La fessée, le plaisir et « lui » : ces trois éléments commençaient à se confondre. Le soir, avant de s'endormir, quand elle se voyait à la place d'une jeune fille aux prises avec son époux, elle imaginait également son chef en train de corriger sa secrétaire. Elle se demandait laquelle de ces deux images l'émoustillait le plus. Tant et si bien qu'« il » avait tendance à prendre la place du mari lorsqu'elle se rêvait jeune épouse. Et à chaque fois, seule la chaleur de sa main pouvait lui rendre le calme dont elle avait besoin pour dormir.

Elle regardait désormais son chef d'un autre oeil. L'absence de charisme devenait une indifférence tranquille à l'opinion des autres ; ses plaisanteries, qu'elle trouvait parfois salaces mais qui ne paraissaient ne choquer à peu près qu'elle, n'étaient que de la simple provocation ; l'apparent manque de confiance n'était que de l'autodérision. Etait-elle vraiment la seule à le voir ainsi ?

Plus les jours s'écoulaient, plus elle lisait d'articles ou de textes sur le sujet, plus elle se demandait s'il fessait réellement la femme qui partageait sa vie… s'il en avait une. Plusieurs fois elle avait eu envie d'aborder le sujet avec lui. A chaque fois elle avait renoncé, ne sachant pas comment faire. Ce n'était quand même pas si facile. La cordiale politesse qui caractérisait leurs relations de travail ne lui permettait quand même pas d'entrer dans son bureau et lui demander directement : « Au fait, que pensez-vous de la fessée ? Vous aimez la donner ? »

A suivre…

Mer 29 jui 2009 Aucun commentaire