Discipline Domestique Romantique
CHAPITRE PREMIER
Elle ferma la porte sans bruit. Elle resta un moment adossée au chambranle les yeux fermés.
« Comment ai-je pu en arriver là ? », se demanda-t-elle...
C'était un après-midi, le premier réellement chaud de ce début de printemps. Pour secouer un peu la grisaille dans laquelle sa solitude l'engluait depuis plusieurs mois,
elle s'était enfin décidée à faire les bouquinistes sur les quais. Cela faisait une éternité qu'elle n'y était plus allée. Et pourtant, le courant d'air presque permanent, le panorama sur la
vielle-ville de l'autre côté de la rivière, la vue sur la Basilique, sentinelle kitch sur sa colline... Tout contribuait à rendre agréable la flânerie au milieu des étalages, malgré l'étroitesse
du passage et la bousculade devant tel ou tel marchand.
Malgré... ou à cause ? Il lui semblait que frôler et être frôlée ne lui était pas si désagréable, que ces légers attouchements involontaires lui apportaient les frissons
qui lui manquaient si cruellement. Ils n'étaient rien, mais toujours elle écartait ces petits plaisirs dérobés à son éducation rigoriste et à son caractère si désespérément rigide.
Ce jour là, elle acheta pour quelques euros un lot de livres sans trop regarder son contenu. Des policiers, quelques biographies historiques, quelques romans indéterminés.
« Cela m'occupera bien quelques soirées », pensa-t-elle.
Rentrée dans son petit deux pièces, elle mit le paquet dans un coin et, comme à son habitude, elle alluma la radio pour meubler un silence qui lui pesait. Elle mit de
l'ordre dans un appartement qui n'en avait nul besoin, tant son souci du rangement était prégnant. Elle fit ensuite son petit dîner (elle mangeait finalement très peu) qu'elle englouti par simple
réflexe, regardant les nouvelles d'un œil distrait. Les banalités un peu vulgaires du programme de la soirée ne l'intéressant pas, elle se déshabilla, pris sa douche, se mit en chemise de nuit,
alla chercher le paquet de livres et se mit au lit.
Elle sortit les volumes du sachet en plastique un par un, examinant les couvertures et lisant le résumé ou la présentation du livre figurant au dos. Rien que du banal. Un
livre vraiment pas très neuf attira pourtant son attention. Plus que sur l'illustration de la couverture, le dessin d'une jeune fille regardant derrière elle d'un air indéfinissable, mi effrayé
mi complice, c'est sur le titre qu'elle s'arrêta : « Un ménage bourgeois ». L'auteur, un certain J. Ernst Squirt, lui était inconnu.
Pas d'indice au dos du livre sur son contenu. Elle l'ouvrit et se mit à lire. Le début lui fit craindre
le pire : encore un de ces affligeants romans à l'eau de rose se passant à la fin du XIXème siècle. Une jeune fille mise en pension chez les Sœurs dès son plus jeune âge en sortait pour épouser
un grand bourgeois choisi par sa famille et bien plus âgé qu'elle. Un point de départ pas vraiment original ! Plusieurs fois, elle fût tentée d'abandonner. Ce livre ne lui apporterait vraiment
rien... Mais après tout, lire sans avoir à réfléchir... Elle n'espérait pas plus pour attendre le sommeil et un lendemain qui finirait bien par arriver.
Tout d'un coup, elle fut tirée de la torpeur dans laquelle la plongeait doucement sa lecture automatique. L'héroïne du roman fraîchement mariée avait commis Dieu sait quel
impair devant Dieu sait qui, ce qui avait rendu furieux son mari, Dieu sait pourquoi. Dès le couple revenu dans son hôtel particulier, ledit mari avait entrepris de châtier sa jeune femme en lui
administrant une solide fessée.
« Quand même très spécial », se dit-elle ! D'autant plus spécial que l'auteur, non content d'introduire cette scène surprenante dans son roman, la décrivait avec force
détails. Une fessée à un enfant, passe ! Encore que ! Mais à une adulte! Elle n'en revenait pas.
A suivre...