Discipline Domestique Romantique
Le lendemain, je revins chez Henri, pour me procurer l'adresse.
Il me tendit un papier avec, écrit dessus, le nom d'une commune et d'un lieu-dit. Je ne peux les indiquer ici, car j'ai promis le secret à Isabelle 183, qui ne tient pas à être dérangée davantage. Le seul canal autorisé pour dénicher son nid dans la montagne est le bouche-à-oreille.
Il entrepris de me fournir des indications, du style « à la troisième croix, tu tournes à droite. Tu passes le petit col, et à la patte d'oie, tu... » Je l'arrêtais d'un geste.
Pressé, maintenant que j'avais mon renseignement, j'étais le point de partir. Henri me retint encore.
Henri se tut un instant, comme pour se donner le temps de formuler dans sa tête une explication valable.
Je sentais que, derrière ces phrases convenues, il y avait une autre raison, cachée, de cette curieuse exigence vestimentaire. Peu importe. Je voulus en avoir le coeur net.
Puis j'enchaînais, faisant la question et la réponse.
Je partis à regret, le coeur chagrin, avec ce remords qu'on éprouve quand on laisse un grand malade. Pauvre Henri! Il a la tête tourneboulé par tous ces contes, tous ces voyages, toutes ces fréquentations de pseudo sorciers de par le monde. Il ne fait que ça! Il fallait bien que ça arrive! Il est comme Don Quichotte, l'esprit gâté par la lecture excessive, obsessionnelle, de tous les livres de chevalerie. Voilà mon ami Henri atteint aussi par une monomanie d'un autre genre, mais tout aussi grave.
De retour chez moi, je rapportais toute la conversation à Isabelle 3, n'omettant aucun détail: l'histoire du GPS, les conseils vestimentaires...
Nous décidâmes de partir le lundi. Isabelle 3, qui est commerçante maintenant, ne travaille pas ce jour-là.
Le moteur de notre Audi Quattro ronflait doucement, prêt à rugir et à bondir pour un voyage confortable vers l'Ariège. Ca, c'est magique. Je m'installe au volant. C'est moi qui conduis, bien sûr. L'Audi Quattro est une mécanique délicate. Je ne me vois pas trop la laisser entre les mains d'une femme, voilà qui va plaire à Isabelle 183, c'est sûr! Je pianote sur le clavier et introduis l'adresse. Le GPS affiche le trajet, jusqu'au chalet ariégeois.
Isabelle 3 porte une robe toute simple, de couleur ocre, qui lui arrive aux genoux. Je la complimente. Le trajet se poursuit sans encombres, comme je le prévoyais. Le ciel est d'un bleu azur. Le thermomètre de l'Audi affiche 24°, vraiment une belle journée. A 20 kilomètre du but, un orage éclate. J'hésite sur la destination, je jette un oeil au GPS, il n'affiche plus rien. Impossible de le relancer.
Prévoyant, j'ai a aussi une boussole. A chaque carrefour, je la sors. Mais, passé un petit col, l'Audi se retrouve toujours au point de départ. Heureusement, je me remémore les conseils d'Henri: « Il vaut mieux un bon plan, ou suivre son instinct . » A chaque bifurcation, je prends n'importe laquelle, et je finis après des kilomètres de piste, illogiquement mais en fait logiquement, car la logique n'est pas toujours où l'on croit, au chalet d'Isabelle 183. Vêtue d'un ensemble jupe et chemisier rouge et vert, elle a vraiment l'air d'une fée. Elle nous reçoit autour d'une table, assis sur de hauts tabourets.
Raisonnablement, nous aurions dû partir. Nous avions notre conseil, il ne restait plus qu'à le mettre en pratique. Mais
ma curiosité n'était pas assouvie.
Sans attendre la réponse, elle prit dans un grand pot un brin de rotin, d'un mètre vingt de long et me le montra. Je le trouvai quelconque. J'imaginai quelque chose de plus chatoyant.
Ce que je compris vite, c'est que j'avais posé la question de trop.